En 2020, les surfaces cultivées en sorgho ont progressé de 18 % dans l’Union européenne (source Sorghum ID).
Cette progression vaut pour le sorgho grain (+20 %) comme pour le sorgho fourrager (+12 %). Chez Euralis – où certains adhérents pionniers cultivent le sorgho depuis des décennies – le nombre de producteurs a augmenté de 43 % sur le dernier exercice, pour atteindre le chiffre global de 247. Quant aux ventes de semences sorgho Lidea, elles ont bondi de 60 %. Comment expliquer cette dynamique exceptionnelle. Le point sur une céréale qui a de l’avenir.
D’origine africaine, le sorgho est la 5ème céréale dans le monde (avec 49 millions d’hectares de production), après le maïs, le blé, le riz et l’orge. Au périmètre mondial, 50% des surfaces sorgho se trouvent en Afrique, mais on le cultive aussi aux Etats-Unis où les surfaces ont fortement augmenté, en Argentine, en Inde, en Chine et en Australie. Bref, sur les cinq continents.
En 2020, en France, on compte 122 000 ha de sorgho au total, ce qui fait de notre pays le 2ème plus gros producteur en Europe juste derrière la Russie. C’est aussi le pays qui affiche la plus forte dynamique (une tendance à la hausse particulièrement marquée sur les trois dernières années). Le Sud-Ouest est la première zone de production de sorgho de l’Hexagone ; historiquement, c’est là qu’on a commencé à cultiver le sorgho grain, dans le Lot et Garonne et en Haute Garonne en particulier. L’arrivée de variétés plus précoces et le réchauffement climatique ont permis d’élargir la zone de culture vers le nord. L’Indre et Loire est devenu en 2020 le 2ème plus gros département producteur de sorgho en France. En Europe, la production a dépassé le demi-million d’hectares. La dynamique est donc importante et se confirme.
Le sorgho en plein boom : peu gourmand en eau, il offre de nombreux débouchés de l’alimentation animale à l’alimentation humaine
Si le sorgho a le vent en poupe, en France et en Europe, c’est d’abord parce que c’est une céréale qui s’adapte très bien au changement climatique : elle a de faibles besoins en intrants et en eau. Elle tolère donc bien la sécheresse.
Ensuite, elle permet à l’agriculteur de sécuriser sa production, d’assurer une diversification de la rotation des cultures. Elle peut être une culture de remplacement intéressante quand les productions habituelles subissent de mauvaises conditions météo ou sont touchées par des parasites. Pour les éleveurs, c’est aussi une façon de sécuriser leurs approvisionnements en fourrage.
En outre, les débouchés du sorgho sont nombreux et variés. Les transformateurs commencent à apprécier le sorgho grain pour les nombreuses qualités de sa graine. Riche en protéine et dotée d’une valeur énergétique intéressante, il est prisé pour l’alimentation animale et c’est là le principal débouché en Europe : couramment utilisation en oisellerie, en pisciculture, il entre dans la composition d’aliments pour le bétail. A titre d’exemple, en alimentation animale, la Catalogne est le plus gros importateur de sorgho grain pour l’alimentation porcine en Europe. Les qualités de la graine limitent le risque de goût ranci que l’on peut retrouver parfois dans les jambons cru que nous consommons. Riche en fer, zinc, calcium, vitamine B9 et connu pour ses qualités antioxydant, le sorgho est également utilisé pour l’alimentation humaine et sert à produire du Pop-Sorghum, des flakes, du lait, ou encore des pâtes. En Afrique, les graines de sorgho sont couramment consommées sous forme de farine ou de semoule ; elles entrent aussi dans la composition de bières ancestrale sans gluten. Près de 60 % de la production de sorgho sur ce continent est utilisé pour l’alimentation humaine. En Chine, les graines de sorgho servent à produire un spiritueux, le Baïjiu; il est dans ce cas précis apprécié pour la richesse de son grain en amidon. On commence aussi à produire du Whisky et de la vodka à base de sorgho. Lidea, en Hongrie, est d’ailleurs à l’origine de ce type initiative avec un producteur de whisky local. En Moldavie, le pays produit depuis déjà 2 ans de la vodka à partir de sorgho grain.
Le sorgho fourrager est enfin exploité sous différentes formes : l’ensilage, la biomasse (production de Biogaz, rendement méthane/ha = 7000m3) ou le pâturage. Avec une tige naturellement riche en sucre, il est utilisé pour le bétail et permet une meilleure conservation de l’ensilage. Il entre également dans la production de bioénergies comme le Bio-éthanol (avec 1 tonne de sorgho grain on peut produire 400 litres d’éthanol) ou le méthane. Les sorghos biomasse riches en fibre aident enfin à la fabrication de biomatériaux, de colorants ou de plastiques.
Dernier avantage : le sorgho présente une amélioration génétique constante. Lidea, dans EUROSORGHO (1er programme européen de création variétal sorgho), bénéficie de la 1ère recherche européenne avec une gamme très diversifiée et performante en grain et fourrager. Dans la moitié sud de la France, depuis maintenant plus de 3 ans, ES MONSOON et ES SHAMAL sont les variétés le plus performantes en rendement/précocité dans les essais post-inscription ARVALIS, mais aussi avec ES FOEHN, la variété sorgho la plus semée en Europe.
Enfin, en Europe, le sorgho jouit d’une bonne image sociétale : il peut s’adapter aux contraintes du changement climatique et répond à l’envie des consommateurs de goûter de nouveaux produits.
Euralis, au cœur de cette dynamique
Précurseur, Euralis a commencé la sélection du Sorgho dans les années 80 puis a créé EUROSORGHO une joint-venture avec Semences de Provence pour initier la première recherche Européenne. « Dans les pays où nous sommes présents, Euralis est reconnu aujourd’hui comme un expert sorgho : pour sa génétique bien sûr mais aussi pour sa connaissance de la culture, sa capacité à accompagner les agriculteurs et son expertise auprès des transformateurs » précise Frédéric Guedj, responsable du développement du marché du sorgho chez Lidea. La dynamique se vérifie dans les chiffres. Ainsi, les ventes de semences sorgho Lidea en Europe ont progressé de 60 % sur le dernier exercice et cette croissance devrait continuer en 2021.
De même, le nombre d’exploitants Euralis qui cultivent du sorgho ne cesse d’augmenter. Côté Euralis Céréales (Pôle Agricole), on comptait 173 agriculteurs en 2019 sur le territoire de la coop – et 247 en 2020 (45 % sur le territoire Sud Aquitaine et 55 % sur le territoire Occitanie). « La météo capricieuse sur la période de semis des cultures d’hiver a certainement convaincu certains agriculteurs : la sécheresse, suivie d’épisodes très pluvieux, les a empêchés de semer les céréales à paille et le colza. Le sorgho est apparu comme un excellent back-up notamment sur des situations limitantes» commente Nicolas Arangoïs, Promoteur Terrain Sud-Ouest au Pôle Semences. Il travaille en étroite collaboration avec les équipes de ventes et marketing du Pôle Agricole, pour assurer la promotion de « la petite graine qui monte ». « Je crois en l’avenir du sorgho : le marché est haussier depuis trois ans, les industriels sont de plus en plus en demande comme les débouchés se multiplient. Les producteurs de semences partagent cet optimisme : Durance Hybride – membre d’Eurosorgho – avec ses 59 producteurs, a produit sur 420 ha (en 2020), chiffres en hausse constante. Comme Euralis Semillas, qui fait partie d’Euralis, avec ses 6 producteurs et ses 150 hectares de production ».
TEMOIGNAGES D’AGRICULTEURS : pourquoi ils cultivent le sorgho
Certains agriculteurs, pionniers à l’époque, cultivent le sorgho depuis près de 30 ans ! A l’exemple de Bernard Ader, membre du bureau du Conseil d’Administration d’Euralis, agriculteur au sud de Toulouse. « Le sorgho et moi, c’est une longue histoire ! Mon père en cultivait, il y a 32 ans déjà » explique Bernard. « Ce qui a permis de régler en partie les problèmes de sécheresse auxquels l’exploitation était confrontée. Lorsqu’un technicien, qui avait une posture innovante à l’époque, a proposé le sorgho à mon père, il s’est lancé rapidement et sur des surfaces non négligeables. Avec, dès le départ, des débouchés en alimentation animale. Au fil du temps, différentes variétés ont été testées pour travailler des équilibres, avec un effet rendement immédiat. Dans les années 2000, on est passé au sorgho en grain et on a profité des améliorations génétiques successives apportées sur les semences. Aujourd’hui, celles que nous utilisons – ES SHAMAL, ES MONSOON, ES ALIZE et ES FOEHN – sont très bien adaptées à notre terroir. On a stabilisé nos surfaces – 20 hectares- et on a complètement arrêté le maïs. Les deux cultures se valent en termes de marge. Et le sorgho permet de faire un assolement. C’est un peu le « 4×4 » des cultures : il convient bien à des parcelles hétérogènes, reste relativement facile à récolter et ne nécessite pas d’équipements spécifiques. Il faut juste veiller à désherber correctement, respecter une certaine densité, être attentif à la fertilisation et récolter au bon stade. Mais passé un temps d’adaptation, on peut s’approprier cette culture qui est certes différente de celle du maïs. Et puis les rendements sont satisfaisants. La totalité de notre sorgho part chez Euralis, à destination toujours de l’alimentation animale. Je crois beaucoup dans le développement de nouveaux débouchés, plus nobles, notamment en alimentation humaine. C’est ce qui va amener de la valeur à cette culture en devenir et convaincre un nombre toujours croissant d’agriculteurs à se lancer ».
D’autres agriculteurs ont moins de recul, comme, Joël Berge-Andreu, exploitant à Uzein.
« J’ai cultivé du sorgho, dans les années 2000 et puis j’ai fait une pause, pour des problèmes de désherbage. Maintenant que des solutions efficaces existent entre autres, il n’y a plus besoin de rattrapage, j’ai recommencé, l’an dernier, sur une parcelle en isolement de 4 hectares où je faisais habituellement des céréales à paille et du soja. C’est une culture plutôt facile qui permet d’étaler le travail ; il faut cependant attendre que les sols se réchauffent pour semer. Concrètement, l’an dernier, j’ai semé en première culture, fin mai. Il n’a pas beaucoup plu, et malgré cela, je suis plutôt satisfait du rendement. Il faut dire que les cours sont à la hausse. Même si je vends le sorgho 8 à 10 euros la tonne moins cher que le maïs conso, étant donné qu’il faut très peu de séchage, au final, je m’y retrouve. Je compte donc poursuivre cette année ».